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«Les bonnes» de Jean Genet montent sur la scène du Rideau vert (PHOTOS)

(PHOTOS) Les bonnes montent sur scène
François Laplante Delagrave

Dès le début de la pièce Les bonnes, on est au coeur de l'action. Solange et Claire se donnent la réplique assassine, l'une méprisant l'autre et l'autre méprisant l'une, à tour de rôle. Jean Genet renait dans la version du metteur en scène Marc Béland sur les planches du Rideau vert.

Témoins de ce jeu étrange, les spectateurs qui n'avaient jamais lu la pièce Les bonnes pouvaient être déroutés. Mais que signifiait cet étrange dialogue entre une riche bourgeoise qui lance son venin sur sa bonne et cette bonne qui, tour à tour, s'humilie et se rebelle en crachant sur sa patronne? Puis enfin, l'alarme sonne et les masques tombent. Madame va arriver: cessons ce jeu et rangeons les costumes. À en juger par l'exclamation spontanée d'une partie de la salle, plusieurs spectateurs étaient en effet dans le noir avant l'arrivée de ces répliques qui révèlent le subterfuge.

Solange (Lise Roy) jouait le rôle de sa jeune soeur, l'autre bonne Claire (Markita Boies). Claire mettait les habits de la maîtresse du domaine (Louise Turcot) en la singeant. On apprend ainsi que Madame se la joue tragique depuis l'arrestation de Monsieur son amant. Arrestation provoquée par les actes sournois de Claire. Car Claire et Solange, reléguées au rôle de bonnes inférieures, envient Madame, sa beauté, ses tenues et son amant.

Devant ces échanges surréalistes, le spectateur vit un profond malaise. À quoi jouent-elles, ces bonnes? Elles s'aiment ou se détestent? Que veulent-elles et que vont-elles faire? Elles ne semblent pas avoir toute leur tête. Markita Boies nous rend une Claire toute en nuances, qui passe de la dévotion naïve à la détermination froide et pratico-pratique, tant envers sa soeur qu'envers sa patronne. Mais la tendresse n'est jamais loin. On sent qu'elle souhaite surtout impressionner sa soeur aînée Solange. Lise Roy, bien que très intense dans son jeu, est peut-être un brin plus uniforme et d'une agressivité trop présente. On aurait imaginé une violence plus sourde qui éclabousse par moments puis rentre sous terre sans qu'on en soupçonne l'existence.

Puis Madame surgit, dans ce décor que Marc Béland a choisi traditionnel, nous transportant dans un réaliste boudoir-chambre d'une maison bourgeoise début 20e. Louise Turcot amène tout ce qu'il faut de légèreté inconsciente et d'humeur capricieuse à ce personnage. On l'imaginerait parfaitement en Marie-Antoinette. Madame se complait dans le mélodrame et enveloppe ses domestiques d'une bienveillance condescendante de femme de haut rang qui se trouve charitable.

On ne vous raconte pas la suite. Si la pièce est une première pour vous, on vous laisse le plaisir d'en découvrir l'histoire au Rideau vert.

Jean Genet, qui a écrit cette pièce en 1947, a dit avoir écrit cette pièce moins pour dénoncer le sort des classes de domestiques que pour mettre en scène la dépendance d'un individu envers un autre. On pourrait donc transposer ce texte à différentes époques et y rejouer cette relation si toxique qu'elle en devient destructrice.

Cette version présentée au Rideau vert, bien qu'assez classique dans sa mise en scène, réussit à rendre ce que le texte veut évoquer. Cette dépendance maladive qui tue l'estime de soi et qui peut même contribuer à la perte totale de sa propre identité, on la reçoit bien, mais avec une certaine distance que ce dialogue littéraire d'une autre époque et cet étrange jeu de rôles entre les personnages impose. Le spectateur doit être prêt à être dérangé et à sortir de cette représentation un peu déboussolé, moins dans l'émotion que dans le questionnement cérébral à propos de ce qui vient de se passer.

Les bonnes

Du 27 mars au 28 avril 2012

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