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La campagne présidentielle française reprend ses droits

En France, la campagne présidentielle reprend de plus belle
AFP

Radio-Canada.ca

La campagne présidentielle française se remet en branle, jeudi, dans la foulée de l'opération policière qui s'est soldée par la mort de Mohamed Merah, l'auteur présumé de sept assassinats dans la région de Toulouse.

L'affaire pourrait propulser le thème de la sécurité à l'avant-plan de la campagne pour la présidentielle, dont le premier tour doit avoir lieu le 22 avril.

Dans une allocution faite depuis l'Élysée dans les heures qui ont suivi l'opération, le président Sarkozy a annoncé qu'il voulait prendre des mesures pénales pour lutter contre « l'endoctrinement » à des idéologies extrémistes, sur Internet, à l'étranger ou dans le milieu carcéral.

« Désormais, toute personne qui consultera des sites Internet qui font l'apologie du terrorisme ou qui appellent à la violence sera punie pénalement », a-t-il dit. « Toute personne se rendant à l'étranger pour y suivre des travaux d'endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme sera punie pénalement », a ajouté le chef de l'État.

« Avec le premier ministre [François Fillon], j'ai demandé au garde des Sceaux [NDLR : le ministre de la Justice] de mener une réflexion approfondie sur la propagation de ces idéologies dans le milieu carcéral », a aussi déclaré le président Sarkozy.

Le président français a aussi appelé les Français « à ne procéder à aucun amalgame » et à ne pas sombrer dans « la colère ». « Nos compatriotes musulmans n'ont rien à voir avec les motivations folles d'un terroriste », a-t-il dit.

Nicolas Sarkozy avait annoncé la suspension de sa campagne présidentielle après la tuerie de lundi dans une école juive, mais cette trêve est terminée. Son entourage admet qu'il évoquera le drame de Toulouse lors d'un rassemblement électoral qui se tiendra jeudi soir, à Strasbourg.

Marine Le Pen à l'attaque

La réaction du gouvernement français s'attire cependant de multiples critiques, tant à droite qu'à gauche.

Pendant que le siège de l'appartement de Mohamed Merah se poursuivait à Toulouse, la candidate du Front national, Marine Le Pen, a accusé le gouvernement français et ses services de renseignement d'avoir commis une faute dans la surveillance de Mohamed Merah, et plus généralement dans l'évaluation de la menace islamiste.

La candidate d'extrême-droite, qui s'exprimait sur France info, réagissait au fait que les services français connaissaient le suspect en raison de ses voyages au Pakistan et en Afghanistan et qu'il avait même été interrogé sans être inquiété en novembre dernier.

« On devrait tout savoir sur cet homme déjà. Très honnêtement, il faudra qu'on ait aussi ce débat pour savoir si les services de renseignement ont mis toutes les précautions de leur côté », a-t-elle dit.

Marine Le Pen estime en outre que d'autres mesures auraient pu être prises contre Mohamed Merah, comme un placement sur écoute administrative, possible légalement. « Je pense que quand quelqu'un est condamné 15 fois, qu'il fait l'objet de plaintes, il y a largement de quoi faire des perquisitions, savoir si cet homme est armé », a-t-elle dit.

La chef du Front national jugeait en outre que le gouvernement avait peur de donner l'assaut à l'appartement de Merah, de crainte qu'il ne soit tué et que cela n'entraîne « des réactions dans un certain nombre de quartiers qui sont aux mains des islamistes fondamentalistes ».

Haro sur les adversaires de Sarkozy

Jean-François Copé, secrétaire général du parti du président Sarkozy, l'UMP, n'a pas hésité lui non plus à tirer sur les adversaires du président. Dans une entrevue au Figaro, il a accusé Marine Le Pen de se livrer à un « procès d'intention inacceptable » en laissant entendre que le danger fondamentaliste religieux est sous-estimé par les autorités.

M. Copé a aussi accusé le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, et celui du MoDem, François Bayrou, d'instrumentaliser l'affaire de celui qu'on a appelé le « tueur au scooter ».

François Hollande, que les sondages donnent gagnant à la présidentielle, avait déclaré mardi que les détenteurs d'une responsabilité publique devaient maîtriser leur vocabulaire. « Au sommet de l'État, rien ne peut être toléré, rien : ni le vocabulaire, ni la vulgarité, ni la facilité, ni je ne sais quelle simplification. »

« Face à ce drame, j'invite François Hollande et ses alliés Verts à garder la dignité qui convient », a rétorqué Jean-François Copé. « Je constate qu'ils poursuivent inlassablement leur campagne sur le chemin de l'ambiguïté permanente. »

« François Hollande n'a jamais fait de la sécurité une priorité de son projet », a-t-il encore dit. « Le PS vient donner des leçons alors qu'il s'est opposé à la totalité des mesures de sécurité que nous avons votées et mises en oeuvre ».

Une faille dans la sécurité?

Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a pour sa part défendu la réaction du gouvernement avec prudence. « Je comprends qu'on puisse se poser la question de savoir s'il y a eu une faille ou pas » et s'il en existe une « il faut faire la clarté là-dessus », a commenté Alain Juppé, en soulignant à l'AFP n'avoir « aucune raison » de penser qu'il y en a eu une.

« Le terme "faille", je le reprends volontiers », a rebondi Bruno Le Roux, l'un des porte-parole de François Hollande. « Aux États-Unis aurait été constituée sans coup férir une commission d'enquête pour voir là où il y a eu problème dans la surveillance », a-t-il dit.

Le père d'Abel Chennouf, l'un des trois militaires français dont l'assassinat a été revendiqué par Mohamed Merah, a aussi estimé que la mort du Toulousain constituait un échec, non pas pour le corps d'élite qui a donné l'assaut, mais pour la police française. « Comment est-il possible qu'un homme connu [des services de police] ait pu agir ainsi? », s'est interrogé M. Chennouf.

Le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent, a pour sa part critiqué les mesures annoncées par le président Sarkozy après l'opération policière.

« Nicolas Sarkozy annonce une fois de plus dans l'urgence des mesures dont la pertinence est très discutable. L'essentiel est maintenant que le pays se rassemble pour rejeter les discours de haine, les xénophobies, les stigmatisations. La démocratie doit se montrer plus forte et le débat national doit reprendre ses droits », a-t-il dit dans un communiqué.

Les derniers sondages semblent accréditer la thèse que l'affaire Merah profite au président Sarkozy : selon une enquête CSA, Nicolas Sarkozy obtiendrait 30 % des intentions de vote au premier tour contre 28 % pour François Hollande. Ce dernier obtiendrait cependant 45 % des votes au second tour, contre 36 % pour M. Sarkozy.

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