Le gouvernement Harper s'est défendu lundi d'avoir engagé des fonds publics à des fins partisanes lorsque le Bureau du Conseil privé a commandé un rapport qui décortique l'«agitation politique» au Québec.

En août dernier, le ministère du premier ministre Stephen Harper, a octroyé un contrat de 16 000$ à l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) pour étudier « l'environnement public » au Québec. L'organisme non partisan a organisé une table ronde avec des acteurs politiques et des commentateurs de différents horizons.

Son rapport conclut que l'«agitation politique» qui a provoqué la vague orange aux dernières élections découle plutôt d'un ras-le-bol des Québécois à l'égard des politiciens que d'un naufrage de l'option souverainiste.

Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice, qui représente Rosemont-La Petite-Patrie, affirme que le rapport sert des intérêts partisans.

« On avait pas besoin de dépenser 16 000 $ pour faire une espèce de gros sondage, ou focus group, a-t-il dénoncé. C'est du travail partisan ça. Si le Parti conservateur veut le payer le 16 000 $, il n'y a pas de problème. »

En Chambre, le secrétaire parlementaire du premier ministre, le député Dean Del Mastro, a fait valoir que son gouvernement pratique un « fédéralisme d'ouverture » qui l'amène à se renseigner sur la situation des différentes provinces.

« Nous ne nous excuserons pas parce que nous nous assurons que la province du Québec a les outils pour se développer à l'intérieur d'un Canada uni », a affimé M. Del Mastro.

Au bureau du ministre des Affaires intergouvernementales, Peter Penashue, on souligne que ce sont des fonctionnaires qui ont pris l'initiative de commander le rapport à l'IRPP, et non des élus. Il s'agit d'ailleurs d'une pratique courante.

Le conseiller politique du ministre Penashue, Pierre-Philippe Lambert, souligne que des études semblables sont menées régulièrement. Elle permettent aux fonctionnaires de se tenir informés de la situation dans différentes régions du pays.

Le député libéral Stéphane Dion, qui a déjà été ministre des Affaires intergouvernementales, ne voit rien d'anormal à ce que le gouvernement fédéral s'intéresse aux différentes provinces. Mais il s'explique mal que la table ronde de l'IRPP ait été organisée de manière secrète.

« L'unité canadienne est une de leurs responsabilités, estime M. Dion. Il y a un mouvement indépendantiste au Québec et il faut se renseigner. C'est tout à fait normal. »

Cynisme et corruption

Les panélistes rassemblés par l'IRPP estiment que le contexte politique québécois a fortement influencé l'issue du dernier scrutin.

« Le contexte de corruption, de cynisme et de décalage entre le discours des élites politiques et les véritables préoccupations de l'électorat en général semblent avoir eu un effet non négligeable sur les résultats électoraux », peut-on lire dans le rapport.

Le mouvement souverainiste est certes sorti écorché des dernières élections, mais cette option n'est pas morte pour autant, constatent les panélistes.

L'IRPP assure que sa démarche n'était absolument pas partisane. Le chercheur Leslie Seidle, lui-même un ancien fonctionnaire au Bureau du Conseil privé, souligne que beaucoup de confusion subsiste face à l'environnement public québécois depuis les élections du 2 mai.

« Bien sûr, nous avons parlé dans une certaine mesure des positions de différents partis politique et pourquoi elles sont plus ou moins populaires, souligne le chercheur Leslie Seidle, lui-même un ancien fonctionnaire au Bureau du Conseil privé. Mais ce n'était pas l'objectif principal de la journée. Nous nous penchions sur l'environnement public au Québec, pas sur l'environnement politique. »

Tous les participants à la table ronde avaient été avisés que les fruits de leurs discussions seraient consignés dans un rapport expédié au Bureau du Conseilprivé, précise M. Seidle. Le rapport sera rendu public par l'IRPP ultérieurement.

- Avec la collaboration de William Leclerc